Richard Marcus, le gambleur né
Dans le New Jersey des années 50, un enfant pas comme les autres est en passe de devenir le maître des paris. Richard Marcus a ce don de transformer chaque instant banal en une opportunité de parier. Il parie entre autres sur la couleur des voitures qu’il croise en voiture lorsqu’il est avec ses parents.
Un peu plus tard, Richard découvre une nouvelle passion pour les cartes de baseball, très populaires aux États-Unis. Richard accumule alors la plus grande collection de son quartier et se lance dans des parties façon poker en associant les couleurs aux équipes. Rien ne semble pouvoir le perturber, jusqu’à ce que deux petits tricheurs finissent par lui vider sa collection. L’histoire nous apprend que Richard n’allait pourtant pas rester sur cet échec bien longtemps…
Richard finit par retourner à ses jeux, mais cette fois, il se tourne vers les voitures. Avec ses amis, ils lancent des paris sur les modèles de voiture qui tourneraient au coin de la rue. Une Ford ou une Chevy rapportent une mise simple ou deux contre un, tandis qu’une Mercedes ou une BMW permettent de remporter le jackpot.
Avec un peu de synchronisation et la complicité du frère d’un ami ayant déjà le permis de conduire, ils parviennent à organiser l’arrivée parfaitement orchestrée d’une Mercedes, leur permettant de gagner les paris à chaque fois.
Mais Richard n’allait pas s’arrêter en si bon chemin !
À l’âge de 17 ans, le Jersiais s’aventure à l’hippodrome de Roosevelt avec quelques centaines de dollars en poche. Après deux jours de défaite, il décide de tenter le grand coup en misant sur des trifectas. Coup de chance ultime, il se retrouve avec trois tickets gagnants totalisant 20 000 $. Seul hic : comment réclamer ses gains sans pièce d’identité ?
Encore une fois, Richard est rusé. Il fait appel à un garde de sécurité qu’il connaît bien. Il lui propose une belle commission de 10 % en échange de l’encaissement, et le tour est joué !
Premiers gains et addiction au jeu
Ni une ni deux, Marcus achète une Mustang décapotable grâce à l’argent gagné à l’hippodrome et file direction Las Vegas. C’est l’endroit rêvé pour cet apprenti tricheur ! Sous l’influence de contacts mafieux, il parvient à entrer au Riviera Hotel alors qu’il n’est même pas encore majeur. Dans ce célèbre hôtel de Las Vegas, il goûte à la vie de luxe et dépense sans compter, pensant que ce train de vie ne pourrait jamais s’arrêter. En quelques jours, il parvient à transformer ses 20 000 $ en 100 000 $ en jouant au baccarat.
Mais le rêve tourne vite au cauchemar. Eh oui, à trop jouer avec le feu, on finit souvent par se brûler. Et Marcus va apprendre cette leçon à ses dépens, de la manière la plus dure qui soit. Le jour de ses 18 ans, il perd tout son argent. Il est même contraint de vendre sa voiture pour la modique somme de 1 500 $. Son addiction au jeu lui fait également perdre cet argent en trois jours. Mis à la porte de son hôtel, il se retrouve sans rien, errant sous la chaleur écrasante de Las Vegas. Richard Marcus passe alors sa première nuit sous un pont. Pendant trois semaines, il survit dans la rue et réfléchit à une solution pour se sortir de cette situation…
De croupier à membre d’une équipe de tricheurs
À la rue et désespéré, Marcus a plus d’un tour dans son sac ! Il décide de voler des habits et de passer une audition pour une école de croupiers. Grâce à sa connaissance du baccarat, il est embauché au Four Queens. Là-bas, il constate que nombreux sont les croupiers à escroquer les clients. Cependant, Richard Marcus décide de rester honnête. Son but est d’économiser de l’argent pour rentrer chez lui. Mais une rencontre va littéralement changer sa vie… Joe Classon, un tricheur professionnel bien connu dans le milieu, repère Richard Marcus.
Impressionné par l’intégrité de Marcus, Joe lui propose de rejoindre son équipe de tricheurs. Marcus accepte sans hésiter. C’est l’opportunité rêvée de se venger des casinos qui lui ont tout fait perdre. Ils développent alors leur première arnaque : un mélange truqué au baccarat. La technique est simple : ils pré-empilent le deck pour garantir des mains gagnantes pour Joe et ses complices, puis effectuent un faux mélange pour tromper les croupiers. Résultat : 21 000 $ de gains dès la première tentative. C’est ainsi que Marcus devient membre permanent de l’équipe et qu’il passe de la rue à une carrière de tricheur professionnel !
La triche à grande échelle : Las Vegas puis le monde
Pendant 12 ans, Marcus et Joe Classon font de Vegas leur terrain de jeu, perfectionnant des techniques comme le “pastposting”. Ils placent leurs paris après la fin officielle des mises, garantissant des gains aux joueurs. En 1982, Marcus est presque arrêté pour cette pratique. Mais grâce à son talent habituel, il s’en sort en prônant l’ignorance.
Avec l’expérience, Marcus devient de plus en plus habile. Il imagine alors la stratégie de la roulette mixte : cacher des jetons de grande valeur sous des jetons de petite valeur. Si le pari est gagnant, il annonce les jetons cachés et encaisse un gros gain. Sinon, il les remplace discrètement par des jetons de faible valeur. Cette technique lui rapporte des centaines de milliers de dollars.
Après 12 ans, il est temps pour Joe de prendre sa retraite. C’est au tour de Marcus de prendre la tête de l’équipe. Ils passent de Vegas aux casinos du monde entier, utilisant des techniques comme le “Savannah move”, où des jetons de 5 000 $ sont cachés sous des jetons de 5 $. Cette méthode, simple et efficace, leur rapporte 5 millions de dollars en deux ans. Les casinos, perplexes, imaginent des dispositifs électroniques pour expliquer leurs pertes. Mais Marcus et son équipe continuent leur arnaque en toute impunité.
En 1995, après des années de succès, le président du Golden Nugget, un casino à Las Vegas, refuse de payer Marcus, le menaçant de faire appel au Nevada Gaming Control Board. Marcus réalise alors que la fête touche à sa fin. En 1999, après une carrière de 25 ans et des millions de dollars arnaqués, Marcus décide de quitter définitivement le monde de la triche.
Les fameuses techniques de Richard Marcus
Richard Marcus est devenu une légende dans le monde des casinos grâce à des stratégies de triche à la fois ingénieuses et audacieuses. Voici un aperçu de ses méthodes les plus célèbres :
Le mélange truqué au baccarat
Marcus crée un faux mélange en protégeant les premières cartes du deck. C’est d’ailleurs la première stratégie qui a vu le jour. Cette technique lui permet de connaître à l’avance les mains gagnantes. En pré-empilant les cartes et en simulant un mélange, il garantit des gains pour son équipe. Résultat : des milliers de dollars gagnés en toute discrétion.
Ajouter des jetons de valeur en cas de gains
Cette technique, connue sous le nom de “Savannah move”, consiste à cacher des jetons de grande valeur (comme un jeton de 5 000 $) sous des jetons de petite valeur (par exemple 5 $). Si le pari est gagnant, Marcus révèle les jetons cachés et encaisse un gain massif. Si celui-ci est perdant, il a juste à montrer le jeton de faible valeur, ce qui minimise ses pertes. Cette méthode simple et efficace leur a rapporté des millions.
Retirer des jetons de valeur en cas de perte
Marcus utilise également la technique du “pastposting”. Il utilise notamment cette technique au blackjack ou sur d’autres jeux de table. Si le pari est perdant, alors il remplace rapidement les jetons de forte valeur par des jetons de faible valeur, minimisant ainsi les pertes.
Simuler la bêtise ou l’alcoolisation lorsqu’il est démasqué
Il est parfois arrivé que Marcus soit pris la main dans le sac. Dans ce cas, il n’hésitait pas à jouer les innocents ou à faire semblant d’être ivre. Il prétendait ne pas comprendre les règles ou admettait qu’il s’agissait d’une simple erreur. Cette technique lui a permis d’échapper à de lourdes conséquences un bon nombre de fois ! Une fois attrapé, il sait aussi qu’il ne reviendra pas dans ce casino.
Richard Marcus, l’écrivain et le consultant en sécurité
Après des années à tromper les casinos, Richard Marcus allait utiliser son expertise pour se réinventer en écrivain et consultant en sécurité.
Il commence par partager ses aventures rocambolesques dans son livre American Roulette: How I Turned the Odds Upside Down, publié en 2004. Il y raconte ses exploits et offre un aperçu unique du monde de la triche professionnelle. Il coécrira ensuite Identity Theft Inc. avec Glenn Hastings, un manuel sur comment éviter le vol d’identité.
Un peu plus tard, en 2007, Marcus devient le principal intervenant à la World Game Protection Conference. Imaginez le spectacle : l’industrie de la protection des jeux, bouche bée, écoutant les confessions d’un tricheur professionnel.
C’est à cette époque que Marcus commence à former le personnel des casinos pour les protéger des tricheurs comme lui. Il se décrit alors comme “le seul consultant en protection des jeux ayant été à la fois un tricheur professionnel et un joueur”, ce qui le rend exceptionnellement qualifié pour enseigner aux casinos comment sécuriser leurs tables.
Mais l’état de grâce pour Marcus, ce fut lorsqu’il remit un prix de sécurité à celui qui était chargé de le coincer à l’apogée de ses activités de triche. Un tricheur décorant un chasseur de tricheurs.
Cet événement symbolisa non seulement sa transformation, mais aussi la reconnaissance de son expertise par l’industrie qu’il avait autrefois dupée. Le monde à l’envers ! Après tout, qui mieux qu’un ancien voleur serait capable de créer le meilleur anti-vol ?